MC Gangneux Architecte DPLG

Atelier d'architecture

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Lieu, site, paysage, quartier

Pour concevoir, la page n’est jamais blanche, le site n’est jamais vierge. L’identité du lieu stimule l’imaginaire et permet la radicalité du design architectural. L’idée est authentique si elle porte sur les choses concrètes et matérielles de la réalité.

La continuité avec le paysage ou le quartier sans mimétisme avec l’existant s’impose d’elle même si le concepteur porte un regard libre sur le passé. L’édifice s’inscrit dans le site comme un révélateur. Il transforme l’existant sans altérer l’identité du lieu. Inversement, le potentiel du lieu enrichit l’idée conceptuelle. Chaque projet est une expérience nouvelle qui s’inscrit dans la réalité du site à travers les matériaux, les techniques et les formes de notre époque, sans nostalgie.

Le projet architectural est une forme d’actualisation du paysage ou du quartier.

Construire à Paris

...rue d’Avron, rue de Reuilly.

L’architecte accepte les contraintes et la faveur qui lui est faite d’inscrire son projet dans un dialogue avec la ville constituée par l’histoire.

Dans les arrondissements populaires du 12ème et du 20ème à Paris, les réalisations de la rue d’Avron ou celle de la ZAC Reuilly, ont participé d’opérations de régénération urbaine. Pour chacune des réalisations, formes et matériaux se conjuguent pour rendre le discours urbain plus complexe et plus subtil en révélant l’ambiance et la vie du quartier.

Rue d’Avron, l’évocation de l’immeuble parisien est revisitée par la préfabrication des façades qui apporte une nouvelle acuité au rythme des fenêtres et un matériau pérenne. La résille en bois des doubles façades du jardin qualifie le centre de l’îlot et le jardin rappelle les ateliers et les passages cachés de ce quartier.

La rigueur des façades sur la rue contredit la chaleur conviviale de l’îlot. La pluralité a enrichi une des plus vivantes rues de Paris et a permis l’insertion douce d’une institution de psychiatrie.

Sur le jardin de Reuilly, les formes arrondies sculptent les volumes du bâtiment pour faire apparaître la chapelle de l’Association caritative d’aide aux jeunes du quartier. La courbe de la chapelle se décale en lames sur les deux registres bas pour se fondre dans le cylindre des étages. Les balcons arrêtent et structurent la courbe au bénéfice des logements dont la façade s’aligne sur la rue.

La pierre agrafée, la résille en béton et le dessin des balcons donnent au logement social une image contemporaine en renouvelant celle de l’immeuble parisien.

Construire en périphérie

... à Bobigny, à Clichy, à Pontoise, à Clamart.

Embrasser l’histoire des activités humaines qui ont donné du sens à un site amplement bouleversé au 20ème siècle, implique une promenade sensible pour repérer l’esprit du lieu et une investigation méthodique pour retrouver les traces des implantations antérieures. Banlieue ou ville ancienne inscrite dans un territoire à l’urbanisation rapide, la périphérie est l’objet d’un développement permanent qu’il faut entendre comme une série de corrections apportées par les exigences du présent.

Le projet du Palais de justice de PONTOISE, ville bafouée et méprisée par la Ville Nouvelle de CERGY, est un enjeu majeur pour cette ville qui a dominé sa région pendant plusieurs siècles. La ville de Pontoise a inscrit son histoire dans sa silhouette découpée par ses clochers, son château, ses murailles... La masse des bois et les vallonnements qui l’enserrent la mettent en valeur.

Inscrire les salles d’audiences et la salle des pas perdus en super structure, c’est... exprimer la reconquête de la position dominante de la ville à travers un grand bâtiment institutionnel. Le site l’autorise. L’idée formelle rejoint la volonté des élus de garder le Palais de Justice dans Pontoise alors que la Préfecture par exemple a été déplacée à CERGY. La salle des pas perdus se situe comme la terrasse du château construite au moyen âge en surplomb dominant la vallée de l’Oise.

Remettre en question la distribution traditionnelle pour retrouver le sens de l’institution par la géographie et par l’histoire du site a permis de dépasser une typologie obsolète. La justice peine à accepter des évolutions majeures qui transforment les programmes et les pratiques en dehors du rôle répressif qui par ailleurs perdure.

A Bobigny, sur le site de la Préfecture, le tramway et le bâtiment René Cassin ont donné une nouvelle continuité au centre ville qui est le lieu de passage quotidien de nombreux habitants. La rigueur du volume s’allie à une réflexion sur la transparence et sur la réalité du mur comme limite et non plus comme opacité. Ce bâtiment, Centre d’Accueil des Etrangers a été un signe fort de modernité et de transparence pour un Ministre qui voulait accueillir les étrangers avec dignité. Il affiche son appartenance à la Préfecture.

A Clichy la Garenne, l’opération de logements affiche le double objectif de l’équipe municipale: marquer « l’Entrée de Ville » et assurer la continuité urbaine. La hauteur et la double peau vitrée donnent de l’autonomie au volume du bâtiment sur l’avenue. A contrario, l’immeuble sur la rue emprunte à l’esprit des petits immeubles modestes des rues avoisinantes. Le projet inscrit la double identité de Clichy.

Construire dans un parc

... à Versailles, à Montgeron, à Bures sur Yvette, à Saint Herblain prés de Nantes.

Les sens sont en éveil. La promenade sensible permet au concepteur de percevoir et de reconnaître le caractère particulier de chaque paysage. Le parc, espace de culture tout autant que de nature, impose le respect des essences végétales, de la géologie et des éléments typologiques qui le constituent : pelouse, allée, bassin...

Chaque parc a une atmosphère particulière qu’il convient d’évoquer par le projet.

A Montgeron, la grande allée plantée de tilleuls est devenue le fil rouge du projet de la requalification du lycée Weiler qui a investit le parc depuis 50 ans. Cuivre, verre et formes organiques inscrivent l’établissement dans la modernité et dans le site. Les bâtiments principaux définissent l’écriture architecturale du projet, les bâtiments dispersés reprennent le thème majeur pour le conjuguer à la spécificité de chaque lieu du parc. Ainsi, le gymnase vient renforcer une terrasse plantée de tilleuls en alignement, les logements de fonction se fondent dans la rue du bourg, la pelouse et le bassin viennent offrir une clairière ouverte dans un parc en bosquets et taillis denses.

A Versailles, l’esplanade du bâtiment qualifie l’entrée du parc de l’université. Les gradins sur le toit des amphis prolongent la pelouse alors que la façade rectiligne de la rue intérieure lui offre une limite. Les grands arbres exotiques de l’arborétum encadrent et ponctuent la composition horizontale du bâtiment qui se fond dans le paysage. A la manière baroque, les toits en zinc des bâtiments en épis jouent un rôle dynamique dans l’ordonnancement général du projet architectural.

Il ne reste du domaine du Grand Mesnil à Bures /Yvette que le château et sa pelouse qui se caractérisent par une symétrie. Les arbres du parc encadrent la pelouse. La façade nord du bâtiment borde la pelouse et reprend le thème de l’arbre, des branches et de l’attache des feuilles. Cette façade à caractère cinétique est destinée à refléter le ciel, les frondaisons et le château pour en diminuer l’impact visuel. La logique de symétrie propre à l’époque du parc est ainsi mise en valeur.

Le nouveau bâtiment n’offre aucune concession au passé mais trouve son sens dans l’idée de faire entrer la nature dans une institution où l’enfermement reste une réalité. Le jeu des différentes parois transparentes guide le design du projet. Les verrières, les résilles des coursives et les baies offrent la continuité du parc.

La lumière naturelle et la nature assurent la convivialité nécessaire aux soins et aux activités qui permettront aux patients de mieux vivre leur passage à l’hôpital.

Usage, symbolique, sens

Si le programme analyse et définit des fonctions et des relations de proximité entre les locaux répertoriés, il ignore les fonctions sociale et symbolique de l’édifice. S’il décrit le site, il doit éviter toute option d’implantation dans cette première démarche qui vise rationalité et objectivité dans la définition des besoins et des contraintes. Le projet architectural s’appuie sur l’idée de donner du sens à l’édifice pour proposer une spatialisation et un jeu de rapports complexes entre les entités pour dépasser la rationalisation des besoins. Métaphores et jeux de rôle permettent d’investir le concret des activités pour la mise en forme. Actualiser, ajouter, mettre en relation, offrir plus, détourner les contradictions sont les enjeux architecturaux de chacun des projets présentés.

Typologie des bâtiments publics

... Université, lycée, palais de justice, hôpitaux.

Ces institutions renvoient à des typologies qu’il est indispensable de connaître pour les actualiser. Seul le présent peut leur donner du sens.

La communication est devenue indispensable au fonctionnement des établissements d’éducation. La rue intérieure du bâtiment Pierre de Fermat à Versailles ou celle du lycée de Montgeron comme le hall de Sarcelles sont structurés autour de l’idée d’un lieu fédérateur susceptible de permettre la rencontre informelle des étudiants et des professeurs. Se substituant à la cour d’honneur, ces lieux de convivialité constituent les éléments nouveaux qui permettent le renouvellement des archétypes de lycée. Le rapport maitre-élève s’en trouve enrichit de l’idée de communication qui se substitue à celle du pouvoir par le savoir.

Les deux Hôpitaux psychiatriques d‘ORSAY et de MAISON BLANCHE tournent autour de l’idée « d’entrer pour sortir » (guéri). Au delà du jeu de mots, c’est le rapport intérieur-extérieur qui est remis en question dans une institution où l’enferment reste un garant de la protection sociale. Le dessin architectural de ces bâtiments « parle » de seuils, d’interfaces, de continuité avec la ville ou la nature.

En se basant sur le travail qui a été fait par la psychiatrie de secteur depuis la dernière guerre, ces deux bâtiments et le projet pour le concours de Clamart sont des recherches formelles et organisationnelles qui visent en finir avec la typologie asilaire. Depuis le 19ème siècle, l’hôpital pavillonnaire isole les services les uns des autres, la famille du malade et tient « la folie » à distance de la vie sociale en ville.

La fonction ne dicte pas la forme

La fonction donne du sens à la forme en définissant la portée sociale de l’objet à construire. Harmoniser les formes choisies pour leur valeur plastique et définir l’aspect concret des matériaux mis en œuvre, participent d’un dépassement de la forme utilitaire, pour tenter l’aventure de l’art et de l’architecture. Le programme d’un édifice public n’a pas de rapport direct avec l’organisation de l’espace ou le volume des bâtiments. Une interprétation des données est indispensable pour hiérarchiser et ordonner l’espace. Le site et les options fonctionnelles définissent la cohérence de la mise en forme.

Le projet pour le concours du Lycée Weiler à Montgeron s’est donné pour objet de moderniser des bâtiments obsolètes en intégrant des solutions contemporaines.

Les images sont plus libres et technologiquement plus performantes. Les formes continues procèdent de la logique formelle de l’isolation extérieure renforcée.

Le projet du Palais de Justice de Pontoise vise à dédramatiser les fonctions quotidiennes de la justice autour d’un espace de distribution fluide et transparent. En relation directe avec l’espace urbain, il emprunte formellement à l’Atrium, espace de distribution privilégié des bâtiments de bureaux, ce qui correspond bien à la fonction ordinaire du Palais de justice dans la gestion légale du quotidien. Le formalisme de la justice laisse place aux services de légalité et à la communication.

La présence d’une chapelle dans l’opération du Jardin de Reuilly a transformé la globalité du bâtiment. La forme courbe se décline sur plusieurs niveaux à partir du cylindre de la chapelle. L’articulation entre la façade jardin et celle de la rue induit l’entrée de l’Association. Elle dégage un espace de seuil entre le hall et le trottoir.

Mixité en ville

... rue d’Avron, rue de Reuilly et à Clichy la Garenne.

La ville est altérité et inachèvement en ce qu’elle peut accueillir toutes les transformations et toutes les proximités à partir d’une constante ordinaire qui est le logement de tous. La maîtrise des échelles permet à l’architecte d’exprimer et d’enrichir la diversité par des formes différentiées suivant le programme.

Au travail sur l’échelle s’ajoute celui du rapport entre la répétition d’espaces semblables et l’expression formelle d’un espace identifiable et autonome. Le logement est répétitif alors que l’institution se reconnaît par son unité formelle.

Des bâtiments comme ceux de la SGIM dans la ZAC REULLY ou de la RIVP sur la rue d’Avron ont un programme mixte qui s’exprime par des différences formelles .

L’enrichissement formel des registres bas exprime les institutions alors que le logement inscrit sa pérennité dans la répétition des niveaux supérieurs. L’unité de l’institution se transcrit par des formes unitaires et une échelle monumentale.

En ville, l’intimité du logement n’est pas garantie à rez-de-chaussée. Les activités trouvent naturellement leur place en continuité avec la rue. La qualité de l’espace urbain tient à la diversité des activités et à la localisation des commerces. Le patronage sur le jardin de Reuilly fait face à un équipement public de quartier. L’activité commerçante de l’avenue à Clichy appelle une grande surface. Sur la rue d’Avron des commerces, l’hôpital et l’entrée de l’immeuble se conjuguent pour compléter la diversité de la rue. La continuité urbaine est la clef de ces projets qui se sont progressivement fondus dans la ville malgré « l’ingérence » des programmes sociaux qu’ils intégraient, mal vécus par le quartier à leur construction.

Rapport intérieur – extérieur

... du mur à la paroi et à la question des technologies contemporaines.

Porter les planchers n’est plus une question dans la mesure où l’on a l’inertie suffisante qui assurera le confort acoustique et thermique. Le mur en perdant sa fonction porteuse obligatoire est devenu « opacité » ou « transparence ».

A Bobigny, comme à Bures sur Yvette ou à Saint Herblain la paroi qualifie la limite entre l’intérieur et l’extérieur en misant sur la transparence, le reflet, le filtrage de la lumière, l’interposition d’espaces entre des peaux successives pour donner de l’épaisseur. Avec l’isolation par l’extérieur, la paroi est devenue complexe : elle intègre des matériaux naturels et rigides comme isolant, des vêtures composites à partir de résines et de fibres, proposant des couleurs et des textures changeant sous la lumière. La paroi vitrée permet le cadrage du paysage ou la perméabilité de l’espace vers l’extérieur. L’espace s’anime à volonté de la lumière naturelle suivant l’exposition. Les détails d’accrochage, la complexité des volumes et la composition des calepins s’inscrivent dans l’infini des possibilités données par l’informatique. La communication des documents avec les autres intervenants a gagné en flexibilité, ouvrant trés largement le champ du possible sans forger les outils d’évaluation des formes nouvelles. Le résultat formel garde t’il son pouvoir d’enchantement? Matériaux et mises en oeuvre concourent-ils à libérer la poésie d’une réalisation? Pour paraphraser Bertolt Brecht, « la seule justification de l’architecture est le plaisir qu’elle procure. La construction et l’architecture ont ceci de commun qu’elles existent pour rendre la vie de l’homme plus légère: la construction en subvenant à ses besoins, l’architecture en le divertissant ».